La recherche participative

1. L’option d’une épistémologie et d’une méthodologie constructiviste [1]

Tout travail de recherche repose sur une vision du monde qui fonde aussi bien l’objet ou le projet de recherche que la méthodologie employée. La réflexion épistémologique ne peut pas être évacuée, elle est consubstantielle à toute recherche qui s’opère. Inversement les choix méthodologiques et conceptuels opérés tout au long de la recherche dessinent une logique qui relie les questions théoriques, méthodologiques et épistémologiques. Il est donc nécessaire de l’expliciter afin de valider la démarche de recherche. Les fondements épistémologiques en sciences de gestion élaborés par Jirin (1990), David, Hatchuel et Laufer (2008) ou Avenier, Schmitt (2007) ouvrent des perspectives pour une construction académique appuyée sur de l’interdisciplinarité.

1.1. Recherche et travail social

Il y a différentes manières de penser et de pratiquer la recherche en travail social. Il nous semble que nous pouvons considérer que tous les protagonistes engagés dans le débat à l’œuvre actuellement sur cette question seront d’accord sur le fait que le travail social est en soi un champ de recherche et un objet de recherche à travers des dispositifs et des pratiques. Ceci étant, entrons dans le vif du sujet et posons, en première approximation, la question qui fâche : le travail social est-il une discipline « de recherche » [2] ? On remarquera que le travail social existe comme discipline dans d’autres pays [3] : les Etats-Unis, les pays scandinaves, la Lituanie etc… On peut aussi se dire que la réponse à cette question dépend de deux préalables : qu’entend-on par travail social ? Et qu’entend-on par recherche ?

Au regard de la première question, on peut déjà noter que ce terme renvoie à plusieurs réalités aux contours flous. Au regard de la seconde, on constate qu’il y a aujourd’hui différentes manières de concevoir et de conduire des recherches. Et, au regard des deux questions, nous témoignerons que des chercheurs engagés dans la question sociale, dans laquelle nous nous reconnaissons, expérimentent des pratiques qui ne négligent ni les impératifs d’une production exigeante de connaissance, ni ceux d’une construction efficiente d’action et cherchent ainsi la voie d’une science pour l’action dans le champ de la question sociale [4].

Nommer travail social cette science pour l’action peut générer des confusions. Mais la nommer science du travail social (comme on parle de sciences de l’éducation) occulte le fait que, dans les expériences que nous avons conduites, le travail de recherche est aussi, indissociablement, un travail d’action. La question de l’appellation est donc complexe. Dans ce cas, parce qu’il n’y a pas de solution satisfaisante, pourquoi ne pas faire référence à l’expression travail social puisque cette appellation a été choisie dans d’autres pays mais en prenant bien garde de préciser qu’elle désigne ici une « science-action » et renvoie ainsi à une pratique qui est différente de l’exercice professionnel habituel de ceux qui se reconnaissent ou que l’on peut classer dans le champ du travail social. Aussi, puisque nous tentons d’identifier une catégorie qui a été mal pensée jusqu’alors (ce que nous nommerons provisoirement la « science-action travail social ») et donc de caractériser une pratique qui ne répond pas aux distinctions habituelles et institutionnalisées entre la science et l’action, l’attention aux questions épistémologiques et méthodologiques devient encore plus centrale.

1.2. Des recherches ancrées dans le paradigme constructiviste

Le choix du constructivisme comme paradigme épistémologique est la piste que nous avons choisie pour travailler des recherches où les hommes et les femmes sont concernées par la question sociale ; au cœur de ce choix, ce qui est en jeu, c’est la nature des relations entre le sujet connaissant et l’objet à connaître. Il nous semble que trois ancrages fondamentaux permettent de qualifier ce paradigme et qu’ils sont incontournables pour toute recherche se définissant comme participative

1.2.1. Comprendre les différences entre épistémologie et méthodologie

La confusion entre les deux est monnaie courante dès que les recherches s’aventurent ailleurs qu’en référence au positivisme. Pourtant, la différenciation est structurante de la démarche constructiviste. De plus, l’épistémologie est un des fondements des recherches interdisciplinaires dans la mesure où elle va permettre de prendre en compte ce que sont les objets des sciences sociales pour les sciences sociales elles-mêmes.

Piaget (1967 : 6 et 7) définit l’épistémologie comme « l’étude de la constitution des connaissances valables, le terme de constitution recouvrant à la fois les conditions d’accession et les conditions proprement constitutives ». Quant à la méthodologie, il la situe entre la logique et l’épistémologie, et « on ne peut considérer la méthodologie comme une branche indépendante, possédant la même unité organique que la logique et l’épistémologie, et cela précisément parce qu’en traitant de ces deux dernières disciplines, on se trouve déjà constamment en présence de problèmes de méthodes ». La dimension de la réflexivité prend alors tout son sens lorsqu’il s’agit de repérer la filiation de la méthodologie à l’épistémologie. Cependant, cette différenciation n’a d’intérêt que si elle s’accompagne du fait que ces recherches doivent à la fois considérer la valeur des connaissances élaborées en travail social et leur valeur dans les pratiques du travail social.

1.2.2. Processus de production de la recherche aussi important que son contenu

Hacking (2001) identifie trois courants de pensées du constructivisme et leur point commun est la filiation à Kant : notre perception de la réalité est le produit de l’esprit humain en interaction avec le monde et non une réalité exacte et objective. Il existe un quatrième courant qui est le constructivisme radical porté par von Glaserfeld (2005), puis dans les travaux de Le Moigne (1990 à 2008). Dans cette approche, von Glaserfeld insiste sur le fait qu’il n’y a pas « à se prononcer sur l’existence ou la non-existence d’un mode objectif peuplés d’entités indépendantes de l’esprit humain. De surcroît, si un tel monde se trouve exister, le paradigme épistémologique radical nie seulement qu’un humain ait la possibilité de connaître de manière rationnelle au-delà de l’expérience qu’il en a ». (Avenier, 2010 : 12). Il ne peut donc y avoir de séparation entre le système observé et le système observant.

De ce fait, pour le chercheur en sciences sociales choisissant une démarche constructiviste, le processus de production de la recherche est au moins aussi important que son contenu. La question principale qui guide sa recherche est révélatrice d’un écart entre une situation perçue et un projet. Il invente ou élabore des stratégies d’action proposant une correspondance adéquate entre une situation perçue et des projets délibérés. En ce sens, il doit retracer, dans son travail de communication de sa recherche, le cheminement par lequel il est passé pour construire sa problématique et en expliciter les fondements épistémologiques et méthodologiques. Ce qui caractérise la recherche constructiviste, c’est qu’elle accepte une formalisation progressive au constat du terrain, à partir d’une théorisation provisoire. Il faut alors, dans le travail de construction d’une activité de recherche, trouver un cheminement qui permette de rendre compte autant que possible du processus d’investigation lui-même. Cela ne va pas de soi et se construit parfois petit à petit, parfois brusquement au cours d’un processus d’interaction avec le terrain. Le difficile et délicat travail d’écriture est loin d’être neutre : il s’agit bien de révéler le travail de problématisation, la construction de sens et la transformation des données recueillies. Ainsi, le chercheur passe de l’observation de l’existant, propre à l’épistémologie positiviste, à un renouvellement des questionnements et à l’invention de réponses viables, en cherchant à construire la réalité sociale.

Les constructivistes ne croient pas que le monde soit donné une fois pour toute ; ils ne croient pas davantage à une rationalité intemporelle (ceci étant en soi une croyance). Cependant « chaque fois que l’on choisit une structure intellectuelle, sociale, technique ou écologique, on se risque à faire confiance à une certaine manière de faire advenir l’histoire, et on en exclut d’autres. L’image de la raison change. Elle n’apparaît plus comme surplombant l’histoire et extérieure aux choses, mais comme médiatrice, communicationnelle, négociatrice, créative ». (Brabet 1996 : 171).

1.2.3. Recherche participative et connaissances actionnables

Le troisième ancrage est que les connaissances élaborées sont « capturées de la connaissance pratique » (Avenier, Gialdini, 2009) et en même temps ont un objectif d’être actionnables à nouveau dans des dispositifs et des pratiques, et tout cela à partir et avec les êtres humains concernés (y compris le(s) chercheur(s)).

Cette production repose sur des aller-retour entre le terrain, les pratiques et les praticiens (au sens d’acteurs et sujets des pratiques et non les professionnels), de la confrontation aux travaux de recherche déjà existants, une posture réflexive élaborée sur le modèle de l’enquête et la théorisation. L’ensemble de ce processus se situe également dans le temps et n’a pas d’ordre dans la mesure où il s’agit bien de « pousser » les interactions jusqu’à faire émerger des nouvelles connaissances. Ces savoirs émergents qu’Avenier appelle « savoirs locaux » sont contextualisés et situés dans leur élaboration ; ils ne peuvent être généralisables sans un travail de décontextualisation dont l’objectif n’est pas forcément de les situer dans une chaîne de causes et d’effets. Le côté « actionnable » finalement ne peut se valider que par les praticiens qui se les réapproprient ou pas. Cependant, ce nécessaire travail de construction théorique n’est pas invalidé par le fait qu’il y ait, ou pas, réappropriation.

Les travaux du CERTS [5] centrés sur les approches participatives de la recherche en travail social ont mis au jour que les recherches en travail social présentées dans le cadre de ses séminaires ont toutes en commun le fait d’accompagner le changement et de se centrer sur les personnes destinataires des dispositifs ou désignées comme ressortissantes de la question sociale. L’approche participative s’inscrit plus largement dans un mouvement qui questionne les rapports entre sciences et société et il en ressort les points suivants :

  • de l’importance de la description du lieu, du déroulé du processus de recherche ;
  • de la position située des acteurs ;
  • de l’élaboration et/ou de la co-construction d’un espace commun ;
  • de l’observation et de la position épistémologique du chercheur ;
  • de la pertinence d’une approche transversale et du souci de transfert des savoirs.

La recherche participative est comprise comme forme d’action notamment en intégrant la présence de l’intervenant (praticien, formateur ou chercheur) ; c’est un processus à la fois conceptuel et pratique qui va produire des connaissances actionnables, c’est-à-dire dépasser la séparation entre la composante épistémique et la composante pragmatique. Le souci du processus participatif des hommes et des femmes concernées par l’action de recherche rend nécessaire la prise en compte des relations de pouvoir et de partage de la construction des dispositifs de recherche ainsi que de son appropriation dans ses résultats.

2. L’éthique au cœur de la pratique de recherche

D’où la préoccupation éthique au cœur des pratiques de recherche participative : c’est l’éthique du «care» comme façon d’allier des dispositions morales et une pratique de recherche adossée au sensible et à la vie ordinaire qui ancre la démarche.

2.1. Le «care», concept polysémique

C’est au sein des genders studies menées par les chercheuses anglo-saxonnes que surgit le «care» dont C. Gilligan est la pionnière à la fin des années 70. Son livre, In a différent Voice (1982), a permis de renouveler le débat. Sa traduction française, Une si grande différence (1986), est restée pratiquement sans écho à sa sortie. Il faudra attendre les années 2000 pour que les travaux des chercheuses françaises (P. Paperman, S. Laugier, P. Molinier) commencent à diffuser à la fois des travaux sur le «care» (soins infirmiers, l’assistance à la personne etc.) et la traduction des travaux de J.-C. Tronto, M. Friedman, A.-C. Baier, S.-M. Okin.

La définition de ce concept «care» reste difficile car il ne peut se traduire simplement par la notion de soin (cela est d’ailleurs l’objet d’un débat qui cherche à enfermer le «care» uniquement dans cette dimension) ; d’autre part, le « care» est souvent opposé à la notion de justice.

Ce concept polysémique recouvre à la fois les champs de la souffrance ou de l’assistance (en soi, peu attractif) mais surtout met à la lumière la nature vulnérable, dépendante et interdépendante des êtres humains : « à la fois réponse pratique à des besoins spécifiques qui sont toujours ceux d’autres singuliers (qu’ils soient proches ou non), activités nécessaires au maintien des personnes qu’elles soient dépendantes ou autonomes, travail accompli tout autant dans la sphère privée que dans le public, engagement à ne pas traiter quiconque comme partie négligeable, sensibilité aux détails qui importent dans les situations vécues ». (Paperman, Laugier, 2006 : 10). Le «care» s’inscrit donc dans le désir de faire valoir l’attention aux autres « singuliers », aux détails de la vie humaine enracinée dans l’expérience vécue. Cette attention a ceci de remarquable qu’elle est surtout non remarquée tellement elle semble évidente à la préservation, à l’entretien, à la conversation d’un monde humain. Ce terme de «care» est également indissociable des dimensions de proximité, de singularité et d’engagement personnel.

Ce travail de définition qui finalement amène à garder le terme de «care», cherche à défaire l’idée que le «care» serait l’apanage des plus démunis, des malades, des handicapés ou des personnes âgées. Il cherche aussi à éviter de rabattre cette notion sur un sentimentalisme banalisé ou une version médicalisée de l’attention aux autres. Il s’agit alors de reconnaître que la vulnérabilité ou la dépendance ne sont pas des accidents de parcours qui n’arrivent qu’aux autres mais bien constitutive de la vie humaine.

J.-C. Tronto déploie avec le concept de «care» une lecture alternative du « souci moral » en échappant au seul cadre universaliste kantien qui a permis, dans un double mouvement, de faire coïncider le domaine du soin et du souci avec les tâches dévolues aux femmes et de l’exclure d’un univers politique dont les femmes ne font plus partie. De plus, celle-ci réfute une conception essentialiste (qui opposerait une conception féminine et une conception masculine de l’éthique) issue d’une théorie psychologique du développement moral.

2.2. Ethique du care

Dans le «care», l’attention aux autres dans leur intégrité et leur spécificité est d’une importance primordiale. Ce type d’engagement moral contraste avec celui impliquant une attention aux règles, aux valeurs, aux principes généraux et abstraits. La perspective de la justice sur laquelle est fondée notre système social, repose sur la présupposition que la meilleure façon de prendre soin des personnes consiste à respecter leurs droits et à leur accorder leur dû dans la distribution des charges et des bénéfices sociaux. Par contraste, le «care» insiste sur une attention permanente, un engagement à l’égard de personnes singulières, c’est-à-dire une concentration sur les besoins, les désirs, les attitudes et toute la façon d’être de la personne singulière. Il est propre à la personne et n’est pas généralisable. C’est la personne qu’elle est et non ses traits sublimés sous des règles générales qui sont le guide du «care». De ce point de vue, autrui et soi même sont conçus dans leur singularité plutôt qu’ils ne sont vus comme des exemples auxquels appliquer des notions morales généralisées.

Ceux qui voient le sujet comme séparé des autres et par conséquent comme objectif se réfèrent à la morale de la justice ; l’éthique du «care» s’appuie sur une approche du sujet comme lié aux autres.

La réflexion du «care» n’ouvre pas tant sur de nouvelles approches de l’éthique que sur une transformation du statut même de l’éthique.

La tendance spontanée qui est celle de généraliser, oblige à rechercher quelque chose de commun à toutes les entités que nous rencontrons. Il s’agit d’en construire un concept général représentant une propriété commune à ces cas particuliers. Le caractère particulier en est, de fait, absent. La tentation serait d’engager l’éthique vers une ontologie particulariste, c’est-à-dire d’élaborer des particuliers abstraits pour asseoir un concept général. Les concepts moraux sont souvent posés comme détachés de l’expérience du réel pour aller vers un rationalisme et permettra ainsi par l’objectivation, une possibilité d’universalité.

Le «care» est alors « souci du particulier », ancré dans ce qui compte, dans ce qui a de l’importance pour soi et attentif à autrui. Cependant, « il faut une éthique sans ontologie plutôt qu’une ontologie du particulier » (Laugier, 2006 : 320) pour amener une autre perception morale en direction du particulier. Ce qui importe, c’est la perception des contrastes, des distances, des différences et leurs expressions. Le fait de focaliser ainsi sur une catégorie rend visible les différences entre cette catégorie et ce qui est posé comme une norme. Tout l’apport du «care» permet une approche éthique qui ouvre sur des possibles autre que la comparaison entre ce qui est de l’ordre de la norme ou de la règle et ce qui ne l’est pas. Une approche dans l’appréhension de la différenciation, contextualisée à la situation est une réponse.

Cette conception de l’éthique s’éloigne de l’argumentation de la théorie morale pour revenir à nos pratiques ordinaires de la vie humaine. Cette approche des particularités ne peut évidemment avoir de validité pour tous. L’éthique du «care» n’est pas un ensemble de principes ou de règles ou de concepts généraux mais elle n’est pas, non plus, une simple description (ou narration) du réel. Elle est travaillée par ces descriptions et ce qui en découle dans nos pratiques et diverses formes de vie : « considérer l’usage peut nous aider à voir que l’éthique n’est pas ce que nous croyons qu’elle doit être. Mais notre idée de ce qu’elle doit être, a nécessairement formé, modelé ce qu’elle est, ainsi que ce que nous faisons ; et considérer l’usage, en tant que tel, ne suffit pas » (Diamond in Laugier, 2006:328).

Enfin, se soucier de l’autre, de manière appropriée ne veut pas dire que l’autre est passif :  être objet de l’attention passe nécessairement par le fait que cet autre est sujet d’une nouvelle demande, conduisant à un accompagnement engendré dans le cours même de l’interaction. Ainsi se référer à cette conception du «care», c’est placer l’action sous le signe de l’immanence, dimension invoquée à chaque situation particulière évitant que l’attention portée à l’autre échappe à toute tentative de réification ou d’instrumentalisation charitable ou paternaliste. J. Tronto insiste sur le fait « que se soucier de l’autre […] implique nécessairement une position de dissymétrie, une position de pouvoir que l’éthique du souci ou du «care» qu’elle défend, cherche à contrecarrer, à limiter, même de manière partielle et relative, par une forme de co-production ou mieux de co-création ad-hoc et singulière » (Tronto citée par Mozére, 2004 : 5). L’objet dont on se soucie, doit pouvoir advenir en tant que singularité non réductible au seul besoin. Le «care» « s’édifie au cœur d’une trame sans cesse à refaçonner, à ré-élaborer et à re-négocier entraînant par là même une prolifération d’autres formes d’activités de «care» qui en découlent. Ce processus qui traduit l’infinité des besoins n’a pas vocation à tous les satisfaire » (ibid).

Le «care» devient alors une pratique et non plus seulement des dispositions morales afférentes par exemple au genre.

En conclusion, c’est avant tout dans la façon de construire du sens, à partir d’une problématique de vie ordinaire, sans anticipation a priori de modes d’actions et/ou de réponses que s’inscrit la recherche participative. C’est aussi l’élaboration de dispositifs de recherche qu’il est possible de rendre visible, notamment dans leur dimension réflexive. D’autre part, ce qui la différencie des autres formes de recherche avec « les autres », c’est la place du sensible, du senti et/ou du ressenti ; c’est en effet, « le corps » qui s’engage et va capter ce qui se vit avec l’autre, les autres et ce qui va se partager à travers les récits et guider les échanges. C’est également, pour les chercheurs, l’acceptation d’ouvrir sur des savoirs possibles, des savoirs ou des connaissances « en devenir » partagés en lâchant sur leurs propres visions, interrogeant sans cesse le rapport social dans lequel ils se positionnent, dès lors que la recherche est dans l’expérimentation sociale, « […]en particulier dans des situations qui mêlent des acteurs hétérogènes autour de problèmes dont il est difficile de dessiner les contours, c’est ce renoncement qui permet de faire corps avec la réalité et d’en faire émerger des solutions inédites » (Steyaert).

Dominique PATUREL, UMR 951 Innovation   dpaturel@supagro.inra.fr

 

Notes :

[1] Le point 1. est issu d’un article co-écrit avec P. Lyet et paru dans Pensée plurielle, n°30-31.

[2] Cette expression « de recherche » pose quelques problèmes mais moins, à notre sens, que l’appellation « scientifique » qui renvoie à des conceptions au fond assez diverses. Sauf à considérer qu’une seule de ces conceptions est valide et à se positionner de ce fait d’une manière qui ne se distingue pas fondamentalement de certaines religions qui pratiquent l’excommunication des hérétiques, nous n’entrerons pas dans le débat sur la scientificité car il faudrait plus que cet article. Actons que la science est plurielle et restons-en là. Avec l’expression « de recherche », nous signifierons simplement que l’on cherche à comprendre de manière rigoureuse, que cela ne nous empêche pas, en même temps, de chercher à penser l’action, tout en sachant pertinemment que tenir les deux dimensions n’est pas simple.

[3] Il existe plus de 400 doctorats dans le monde.

[4] L’objet de cet article ne permet pas de développer sur ce que recouvre la question sociale mais admettons que cela concerne  toutes les questions qui touchent à la vie quotidienne des hommes et des femmes et plus particulièrement les personnes vulnérables.

[5] Centre Européen de Ressources et de recherche en Travail Social

 

Bibliographie :

Avenier.M-J, Schmitt.C, 2007 : La construction de savoirs pour l’action, L’Harmattan, Paris,

Avenier, MJ., Gialdini, L, 2009, Capturer de la connaissance pratique pour élaborer des savoirs académiques : un cadre méthodologique pour étudier la « fabrique de la stratégie », Cahier de Recherche 03 E4, CERAG UMR CNRS 5820

Avenier, MJ. , 2010, Retrouver l’Esprit de la vallée du Constructivisme en remontant à ses sources épistémiques, Cahier de Recherche 03 E4, CERAG UMR CNRS 5820

Brabet, J., 1996, Repenser la gestion des ressources humaines ?, Economica

Gilligan.C, 2008, Une voix différente. Pour une éthique du care, Flammarion

Hacking, I ., 2001, Entre science et réalité : La construction sociale de quoi ?, La Découverte

Hatchuel.A, David.A, Laufer.R & collectif (2008), Les nouvelles fondations des sciences de gestion. Eléments d’épistémologie de la recherche en management, Vuibert.

Jirin, J., 1990, L’analyse empirique des situations de gestion : éléments de théorie et de méthode, CRG

Lyet.P, Paturel.D, 2012, Pour dépasser les oppositions entre une recherche en, dans ou sur le travail social : une science-action en travail social, Pensée Plurielle, n°30-31 : 255 -267

Mozère.L , 2004, « Le « souci de soi » chez Foucault et le souci dans une éthique politique du care. », Le Portique [En ligne], 13-14 | 2004, mis en ligne le 15 juin

Paperman.P, Laugier.S, 2006, Le souci des autres. Ethique et politique du care, EHESS

Paturel, D., 2010, Le service social du travail à l’épreuve de la GRH : la fonction de Tiers Social, L’Harmattan

Paturel.D, 2010, Des recherches participatives : nouveaux enjeux pour les sciences sociales et le travail social in Participative approaches in social work research, sous la direction de Marynowicz.E, Granosik.M et Gulczynska.A, Presses Universitaires de Lodz

Piaget, J., 1967, Logique et Connaissance Scientifique, Gallimard

Steyaert.P, Intervenir pour connaître et agir : le chercheur « acteur-auteur » du changement technique et social in Beguin, P. et M. Cerf (éds) OCTARES Editions : 93-109

Tronto.J, 2009, Un monde vulnérable. Pour une politique du care, La Découverte

Von Glaserfeld, E., 2005, Thirty years radical constructivism, Constructivist Foundations 1/1

 

Pour citer cet article : Dominique PATUREL, “La recherche participative”, http://www.les-seminaires.eu/la-recherche-participative/, mis en ligne le 11 mai 2013.