Entre contraintes et possibles, la culture en milieu carcéral

Ce texte restitue les travaux de la journée d’étude « Questionnements de l’artiste en milieu pénitentiaire », organisée le 4 Mai 2011, à Bourgoin Jallieu, par le Conseil Général de l’Isère, les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (S.P.I.P.) de l’Isère et l’association les 2 maisons, qui intervient dans les établissements pénitentiaires de l’Isère depuis 2005.

Cette journée avait pour but de réunir, autour de témoignages d’artistes intervenants, les différents acteurs de l’action artistique en milieu pénitentiaire (artistes, personnels liés à l’Administration Pénitentiaire, personnel de l’Action Culturelle, etc.). L’objectif était de prendre ensemble le temps de faire apparaître ce travail artistique qui reste souvent un travail invisible, et d’en déployer les enjeux.

Une telle rencontre a été rendue possible par la configuration institutionnelle particulière qui entoure aujourd’hui l’action culturelle en milieu pénitentiaire en Isère. Au-delà de la valeur et de l’engagement des artistes intervenants, l’Isère bénéficie en effet du partenariat singulier qui lie le Conseil Général et le SPIP au sein d’un dispositif inédit : Culture et Lien Social. Les établissements de l’Isère bénéficient également de l’attention toute particulière que porte la DRAC à l’action en direction de ce que l’on appelle les « publics empêchés ». Cette configuration est propice à la construction d’une politique et d’une réflexion à long terme. B. Garnier, de 3ème bureau, a d’ailleurs rappelé l’importance de créer ainsi des dispositifs durables, appuyés sur le tissu associatif, permettant de dépasser une politique de « coups » qui fragilise les structures intervenantes et ne peut garantir la cohérence d’une politique publique sur la durée.

Les différents acteurs de l’action culturelle en milieu pénitentiaire n’ont que rarement l’occasion de se rencontrer, et s’ils se croisent, c’est le plus souvent pour discuter les conditions de mise en œuvre d’un projet particulier. À ce titre, une telle journée est tout simplement une première nationale. Revers de la médaille, il a fallu « essuyer les plâtres », chacun des acteurs parlant depuis sa position et son expérience professionnelle, et découvrant pour partie la complexité de la position des autres. Au contraire d’autres situations de discussion dans lesquelles les visages, les arguments, et les différences sont connus de tous dès le départ, il a fallu ici découvrir à tâtons les thématiques autour desquelles pouvaient s’organiser les accords et désaccords.

L’objectif de ce texte est donc de reprendre cette parole qui s’est cherchée au cours des débats, d’identifier « ce dont nous avons parlé », de formuler les dissensus expérimentés, bref de poser et d’expliciter, après-coup, les termes des controverses.

Les questions soulevées lors de cette journée ne sont pas toutes nouvelles, et recoupent en partie celles évoquées par d’autres acteurs et observateurs. Cependant, si l’action artistique en milieu pénitentiaire connaît des problèmes de moyens, une part non négligeable des difficultés abordées semble tenir aux représentations que les uns et les autres se font de la situation, à leurs cultures professionnelles spécifiques et aux informations dont ils disposent. Tout l’intérêt de cette rencontre était donc que ces questions soient évoquées ensemble par les acteurs directement susceptibles de les faire évoluer, sinon de les résoudre.

Cette journée a donc permis de faire naître un débat complexe mais important, lourd d’enjeux, puisqu’il en va tant de la sécurité de tous que de la participation des personnes détenues à la vie sociale, tant des définitions de ce que nous appelons l ’art et la culture, que de leur confrontation à la question de leur utilité sociale.

Pour télécharger le texte de Pierre Grosdemouge : La culture en milieu carcéral, mai 2011