Développement du pouvoir d’agir et enjeux d’une lutte pour la reconnaissance du problème public des discriminations « par le bas »

Étudiant, depuis le début des années 90, les conditions de reconnaissance du problème public des discriminations, notamment ethno-raciales, puis depuis le début des années 2000, les conditions de mise en œuvre d’une action publique efficace [1], nous avons régulièrement contribué par l’élaboration de différentes notions et concepts [2] à la construction d’une politique publique qui s’est construite, jusqu’à présent, essentiellement par le haut. Nous dressons le constat, depuis le milieu des années 2000, d’une difficile prise en compte de la parole des personnes confrontées à une expérience discriminatoire et par là même une faible politisation de la question par les premier(e)s concerné(e)s. Nous proposons ici de réfléchir aux conditions de développement du pouvoir d’agir [3] et de reconnaissance du problème public « par le bas ».

Un objet politique non clairement identifié arrivé par le haut [4]

Le problème français des discriminations est inventé à la fin des années 90 dans l’espace public national [5]. Le cadre global des nouvelles orientations publiques, concernant la lutte contre les discriminations, n’est clairement exprimé par le gouvernement français qu’à partir du discours de Martine Aubry, alors ministre de l’Emploi et de la Solidarité, tenu en conseil des Ministres le 21 octobre 1998 et avec la publication, le même jour, du rapport du Haut Conseil à l’Intégration, consacré, cette année-là, à la Lutte contre les discriminations : faire respecter le principe d’égalité. Ces deux événements sont considérés, par la plupart des analystes, comme un moment charnière de la reconnaissance du problème public en France. Cela ne signifie pas pour autant que ces moments inauguraux qui mêlent la question de l’intégration, du racisme, et celle des discriminations maîtrisent alors tous les enjeux politiques que soulève cette reformulation du problème public. En effet, l’engagement dans une politique de prévention et de lutte contre les discriminations implique non seulement un basculement paradigmatique mais aussi un changement des pratiques politiques, institutionnelles et professionnelles. Il ne s’agit plus, dès lors, de focaliser seulement sur le problème de publics historiquement assignés à des difficultés supposées d’insertion ou d’intégration, ou encore de centrer l’attention sur une minorité raciste (la focalisation sur l’extrême droite), mais de repenser plus fondamentalement le problème public d’une société qui peine à mettre en œuvre concrètement son idéal égalitaire, et ce au-delà de la seule question raciale. Cet objet politique non clairement identifié et imposé par l’Europe (depuis le traité d’Amsterdam en 1997 et les directives européennes en 2000), vient remettre en cause deux grands principes de régulation de la société, qui sont en même temps deux modèles performatifs, au sein desquels les discriminations sont impensables, à savoir celui de l’État républicain (un État de droit qui prohibe les discriminations contraires au principe d’égalité) mais aussi celui du Marché (une économie libérale qui ne peut concevoir en son sein des discriminations qui entravent le principe de libre et égale concurrence). Cette imposition par le haut ne vient pas répondre, à ce moment-là, à une aspiration démocratique, à des revendications explicites des citoyens les plus directement concernés [6]. Elle ne fait pas non plus l’objet d’une appropriation politique par les partis ou les acteurs sociaux. A leur décharge les outils d’appropriation qui auraient pu être créés par la communauté scientifique manquaient cruellement ou étaient encore largement inappropriés. Le traitement de cette question a alors été confié principalement à des établissements publics comme le FAS (devenu en 2001 le FASILD puis aujourd’hui l’Acsé) ou la HALDE à partir de 2005 (devenue aujourd’hui le défenseur des droits), ce qui a conduit à un double phénomène de technicisation et de technocratisation. Faute d’appropriation, le « problème public » de la discrimination va être requalifié, sinon disqualifié, notamment à l’initiative du patronat français et de l’Institut Montaigne, qui vont encourager la promotion de la diversité [7] comme réponse à la discrimination. Cette requalification du problème va conduire à une nouvelle inversion de l’imputation causale, à son relatif effacement, et à une instabilité encore plus grande d’un référentiel d’action en train de se construire. Au départ confiné dans un cercle d’initiés, le problème des discriminations va, dans ce contexte, se développer de manière très hétérogène à l’échelle nationale et les outils cognitifs, normatifs et pratiques seront élaborés au fur et à mesure du déploiement de la politique publique. Les chercheurs et associations pionniers, en nombre largement insuffisants, ont été, à partir du début des années 2000, rejoints par des bureaux d’études, des cabinets de consultants afin de répondre aux besoins de développement d’une politique publique encore hésitante. Cette évolution va participer à une certaine marchandisation du secteur [8], à sa technicisation et à sa privatisation, autant d’éléments qui entrent, de notre point de vue, en contradiction avec la nature éminemment politique du problème. Au-delà de l’opportunité marchande, les organismes et cabinets de consultants qui vont se créer ou spécialiser leur activité dans la prévention des discriminations, puis à partir de 2005 dans la promotion de la diversité, ne maîtriseront pas forcément toute la complexité du changement de paradigme à l’œuvre et ce d’autant plus que ceux-là mêmes ont souvent accompagné la mise en œuvre des politiques antérieures d’insertion et d’intégration.

L’enjeu d’une reconnaissance du problème public « par le bas »

Nous avons, depuis 2004, contribué à l’expérimentation de différents dispositifs : « groupes de paroles », « formations de publics confrontés à la discrimination », « accompagnement de projets », « ateliers coopératifs par la méthode du photolangage » [9] principalement avec des jeunes de villes et de quartiers populaires pour tenter de définir les conditions sociales et politiques qui pourraient permettre de passer d’une logique actuelle de condition de discriminé à une logique de lutte politique des discriminé(e)s pour l’égalité. Une première expérience conduite en 2004 avec un groupe de jeunes en formation, réunis par la Mission Locale de La Ciotat, nous a fait prendre conscience de l’importance de s’appuyer sur la parole des premier-e-s concerné-e-s. Ces jeunes femmes, dès lors que le cadre a été clairement posé par les initiatrices du projet, se sont senties autorisées à parler de leur vécu de la discrimination et ont, avec discernement, sans forcément utiliser les mêmes mots, dressé les mêmes constats et pointé les mêmes enjeux que des chercheurs spécialisés. Pour autant, lors de la projection du film documentaire [10], issu de cette démarche, auprès de chefs d’entreprises, de consultants ou encore d’acteurs institutionnels, les porteuses du projet au sein de la Mission Locale ont constaté des réactions brutales, sans nuance, exprimant du rejet lorsque les jeunes filles ont été traitées de « cagoles »  – c’est-à-dire de « pauvres filles » – d’un mépris teinté d’ignorance, lorsque la responsable d’une institution publique a demandé « pourquoi la jeune fille qui est… grosse… ne fait pas le régime, pour elle on ne peut pas dire que c’est de la discrimination » et, qui, sous couvert d’objectivité, de « rationalité économique », avaient toutes pour effet d’inverser l’imputation causale : ces jeunes femmes sont avant tout responsables de leur situation et la discrimination n’est qu’un prétexte. Il nous semble que ce qui se joue ici relève d’un rapport social fait de tension entre celles et ceux qui se vivent, implicitement, parfois même inconsciemment, comme des « majoritaires » (blancs, hétérosexuels, hommes, vivant confortablement, ayant les « bons » attributs physiques, etc.) et celles et ceux qui comme « minoritaires » relatent une expérience douloureuse de discrimination. Comme le souligne très justement Danielle Juteau ce rapport « a deux faces, l’une concrète [qui se traduit par une pratique discriminatoire] et l’autre idéologico-discursive [qui vise à disqualifier symboliquement l’autre] » [11]. La tension est donc liée à la définition même du problème or ce qui caractérise les majoritaires [12] est cette certitude de détenir la bonne définition du problème, les bonnes normes sociales et donc les bonnes manières de le résoudre.

La politique publique a déployé, paradoxalement, d’importants dispositifs de formation pour tenter de déconstruire les systèmes discriminatoires en formant les professionnels intermédiaires des politiques publiques (emploi, logement), les managers dans les organisations ou encore les élus mais à aucun moment les premier-e-s concerné-e-s n’ont été visés par ces dispositifs de formation. Une seconde expérimentation conduite en 2008 par la Ville et la Mission Locale de Villeurbanne [13] auprès d’un groupe de jeunes volontaires nous a permis de mesurer les impacts d’ateliers de formation sur les jeunes eux-mêmes. Le premier objectif de ces ateliers est de favoriser une expression libre autour d’une question qui est souvent tue de peur de ne pas être crue, de ne pas être entendue. La méthode du photolangage [14] ou l’utilisation de jeux constituent de ce point de vue des supports pédagogiques utiles pour favoriser cette expression, en évitant d’aborder les situations douloureusement vécues par les personnes elles-mêmes, pour échanger autour de la question de façon plus générale, plus distanciée. Le deuxième objectif de ces ateliers est de favoriser la prise de conscience à la fois des modes de concernement singuliers (pourquoi suis-je plus sensible à tel ou tel critère de discrimination ? Pourquoi est-ce que je choisis telle photo et pas telle autre ?) et d’une communauté d’expérience autour de la discrimination (indépendamment des critères différenciés sur lequel se fonde l’épreuve discriminatoire de chacun-e). Le troisième objectif de ces ateliers est de pointer les enjeux et favoriser un processus de connaissance (les principes politiques à l’œuvre, l’histoire des mouvements de lutte pour l’égalité des droits, les effets psychosociaux des discriminations les avancées juridiques etc…). Le quatrième objectif est de s’appuyer sur ce pouvoir qu’octroie le savoir dans les rapports sociaux pour favoriser le développement individuel et collectif du pouvoir d’agir des personnes, leur capacité à se confronter à cette réalité, à inventer des projets, à écrire une nouvelle histoire et à œuvrer pour une société plus égalitaire. A l’évidence, ces ateliers coopératifs de lutte contre les discriminations favorisent une construction commune du problème des discriminations comme un problème jusqu’alors vécu comme une fatalité.

Ces expériences et d’autres présentées durant le séminaire [15] restent marginales et viennent souligner que la politique publique n’a pas jugé opportun, ou utile de doter les premier-e-s concerné-e-s d’outils cognitifs, normatifs et pratiques de lutte contre la discrimination. Cette voie prise par la politique publique a d’une certaine façon assigné les personnes confrontées à l’expérience de la discrimination au seul statut de « victime » privilégiant une logique de traitement individualisé psychologique (à travers des dispositifs d’écoute) ou juridiques (à travers la mise en place de permanences juridiques) et s’est privée d’une possibilité de construire le problème public par le bas à l’échelle des territoires concernés. L’émergence de collectifs citoyens étant de fait impensée, voire parfois empêchée sur certains territoires [16], la voie d’un traitement collectif et politique de la question a été le fruit d’initiatives isolées qui se sont déployées dans des configurations d’action locales favorables [17]. Ceci est paradoxal car l’on sait que l’histoire de l’égalité est avant tout une histoire de luttes politiques.

Reconnaître, soutenir et… s’effacer

Aujourd’hui, la question qui reste en suspend est : comment faire le lien entre les politiques essentiellement descendantes de ces dix dernières années et l’émergence d’une politisation ascendante de la question ? Nous sommes à un moment charnière d’une émergence démocratique de la question des discriminations. Pour autant, il ne faudrait surtout pas penser que cette question ne concerne que les personnes qui y sont directement confrontées. Il s’agit d’une question qui interpelle tout autant les institutions, que les professionnels, les élus ou encore les chercheurs dans leur capacité à construire un véritable problème public car nous formulons ici l’hypothèse selon laquelle nombre de personnes confrontées à l’expérience de la discrimination vivent ces situations plus comme une condition inhérente à leur situation, une condition de discriminé car pour qu’un problème existe et qu’il devienne public, cela implique que « les gens commencent à penser que quelque chose peut être fait pour changer la situation » [18]. La première étape implique donc une lutte conjointe pour une reconnaissance commune du problème des discriminations car « les formes de reconnaissance du droit et de l’estime sociale fournissent un cadre moral aux conflits sociaux, parce qu’elles dépendent dans le principe même de leur fonctionnement de critères généraux concernant la société toute entière. A la lumière de normes telles que la responsabilité morale ou les valeurs sociales, les expériences sociales de mépris peuvent être interprétées et représentées comme des réalités auxquelles d’autres sujets sont également exposés » [19]. La reconnaissance de cette communauté d’expérience peut permettre tour à tour de :

  • reconnaître la souffrance qui accompagne la discrimination ;
  • qualifier son caractère illégal ;
  • et enfin d’ouvrir des perspectives pour une citoyenneté renouvelée.

Aujourd’hui cette reconnaissance – malgré de nombreux travaux scientifiques qui soutiennent la factualité des discriminations [20] – est le plus souvent partielle et intermittente. Et l’inversion de l’imputation causale n’est jamais très loin. L’enjeu de la reconnaissance nous paraît fondamental : reconnaître le problème public des discriminations c’est reconnaître les personnes qui y sont confrontées comme des égales. Cela interroge en profondeur la nature des rapports sociaux entre minoritaires et majoritaires. La discrimination ne constitue pas simplement un déni de droit, mais également un déni du droit à l’existence d’un rapport social conflictuel. Prenons, pour exemple, la notion de « victimisation ». Tout d’abord, comme nous l’avons montré, la politique a d’une certaine façon assigné les personnes confrontées à une expérience de discrimination au seul statut de « victime » avant même de leur reprocher de s’y enfermer. Or, comme en témoignent les différents dispositifs expérimentaux auxquels nous avons fait référence, lorsqu’un cadre de reconnaissance est clairement posé, lorsque les souffrances qui accompagnent la discrimination sont entendues, la supposée logique de victimisation (d’exagération) est absente. Au contraire, ce sont des vécus intimes qui sont relatés de façon nuancée, modérée, pondérée. Tout nous amène à penser que la notion de « victimisation » est une notion utilisée par les majoritaires face aux risques que font émerger les questions d’égalité et de non-discrimination en matière de répartition des pouvoirs, d’atteinte aux situations de privilèges. Aussi nous ne pouvons que constater et regretter que dans la logique de technicisation et de technocratisation de la question des discriminations qui a prévalu dans les politiques publiques, la victimisation a malheureusement remporté un grand succès [21]. Comment retravailler le rapport social entre majoritaires et minoritaires, alors que l’impensé est le plus souvent le fait du majoritaire ? Le processus de reconnaissance des discriminations à l’œuvre devrait permettre de politiser ce rapport de manière différente. Les quelques initiatives présentées lors du séminaire sont convaincantes car elles entrouvrent la perspective et l’espoir d’écrire une nouvelle histoire, de l’égalité, selon le principe d’un storytelling à visée émancipatrice [22]. Il s’agit dès lors, en fondant des rapports sociaux égalitaires, de construire l’universel réel, et non l’universel des seuls majoritaires. Si certains dispositifs peuvent sembler particularistes, voire « communautaristes » [23] à certains ils participent à la recomposition de l’intérêt général et universel comme le montrent bien Axel Honneth. La lutte pour la reconnaissance des discriminations, c’est-à-dire pour la reconnaissance d’une égalité de traitement, ne relève pas seulement d’une approche spécifique, liée à un public spécifique, elle relève de l’intérêt général car elle « échappe partiellement à l’opposition entre objectifs personnels et objectifs impersonnels, parce que la lutte ainsi comprise ne peut fondamentalement être déterminée que par des idées et des revendications universelles, dans lesquelles les expériences individuelles des différents acteurs se trouvent reprises et dépassées positivement : entre les objectifs impersonnels d’un mouvement social et les offenses privées subies par les individus qui le composent, il doit exister une passerelle sémantique au moins assez solide pour permettre le développement d’une identité collective » [24]. De ce point de vue, les travaux des féministes noires américaines sont riches d’enseignement pour réfléchir aux approches intersectionnelles et les aborder comme facteurs indissociables d’un même processus [25].

S’il est de la responsabilité des chercheurs de construire des outils intellectuels qui favorisent l’émancipation de celles et ceux qui sont régulièrement assignés à de supposés difficultés, handicaps, problèmes (intégration, insertion, victimisation, communautarisme etc.) régulièrement inventés pour invalider l’expérience de la discrimination, s’il est de la responsabilité des institutions et des professionnels qui entendent œuvrer en faveur d’une lutte pour la reconnaissance des discriminations de construire un cadre propice au développement du pouvoir d’agir des premier(e)s concerné(e), il importe tout autant de savoir s’effacer [26], de savoir s’éclipser, d’apprendre à laisser la place à celles et ceux plus qualifiés, pleinement légitimes politiquement et convaincantes, pour énoncer une connaissance incorporée et intime de la discrimination. C’est sans doute lorsque ces conditions-là seront enfin réunies, que l’on passera d’une logique de participation [27] à une logique fondée sur le pouvoir d’agir, qu’une communauté de destin égalitaire [28] pourra advenir.

Olivier NOËL, maître de conférences associé en sociologie politique, Université Paul Valéry – Montpellier 3

[1] Noël Olivier, Sociologie politique de et dans la lutte contre les discriminations : au cœur de l’action publique en France (1996-2006), Editions Universitaires Européennes, 2010, 432 p.

[2] Notre pratique de sociologie publique se veut à la fois distanciée, critique et contributive, et cherche à mettre à l’épreuve de la pratique les concepts élaborés avec les acteurs concernés : institutions, professionnels et citoyens : www.iscra.org. Nous prendrons pour seul exemple la notion de « coproduction des discriminations » qui a pointé l’enjeu d’une nécessaire déconstruction de systèmes discriminatoires stabilisés notamment dans le champ de l’emploi. Cf. Noël Olivier, « Intermédiaires sociaux et entreprises : des coproducteurs de discrimination ? » in dossier : connaître et combattre les discriminations, Hommes et Migrations, n°1219, mai-juin, 1999, p. 4-17.

[3] Nous retenons la définition suivante de Yan Le Bossé, « De l’habilitation au pouvoir d’agir » : vers une appréhension plus circonscrite de la notion d’empowerment », Nouvelles Pratiques Sociales, Vol 16, n°2, 2003, p. 45 : « un pouvoir de surmonter ou de supprimer les obstacles à l’expression de « l’être au monde ». Il s’agit avant tout « d’être en mesure d’agir », c’est-à-dire d’avoir les moyens de se mettre en action. Or, quelle que soit l’action dont il s’agit, sa réalisation implique toujours un minimum de compatibilité avec les conditions objectives présentes dans l’environnement » .

[4] Nous développons ce point dans Noël Olivier, « Un consensus politique ambigu. La lutte contre les discriminations raciales » in Fassin Didier (Dir.), Les nouvelles frontières de la société française, La Découverte, 2010, p. 267-290.

[5] Fassin Didier, « L’invention française de la discrimination », Revue française de Science Politique, n°4, 2002, p. 403-423,

[6] Les mouvements revendiquant explicitement l’égalité datent du début des années 80 avec la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, improprement qualifiée de « marche des beurs », ou encore les marches « convergences » de 1984 et « divergences » de 1985. Au moment de l’arrivée de la question de l’anti-discrimination sur l’agenda politique français, ces mouvements ne sont plus porteurs de revendications égalitaires explicites sinon visibles dans l’espace public et donc à même de politiser la question de la lutte contre les discriminations.

[7] Noël Olivier, « Politique de diversité ou politique de diversion ? Du paradigme public de lutte contre les discriminations à sa déqualification juridique », Asylons, 2008, 8 p. consultable à l’adresse : http://www.reseau-terra.eu/article764.html

[8] Dhume, Fabrice, « De la discrimination du marché au marché de la discrimination », Mouvements, n°49, janvier-février 2007, p. 128-136.

[9] Nous faisons référence ici à de nombreuses expériences inspirées notamment de la méthode moderniser sans exclure ou encore de l’université du citoyen conduites avec des publics concernés par une expérience discriminatoire, en collaboration avec des missions locales (La Ciotat, 2004 ; Villeurbanne 2008 ; Limousin 2010) ou des centres sociaux (Blanc-Mesnil, 2005, Lormont 2010).

[10] « Discriminations : où est la solution ? », Mission Locale de La Ciotat, 2004-2006.

[11] Juteau Danielle, L’ethnicité et ses frontières, Montréal, Presses Universitaires de Montréal, 1999, 230 p.

[12] Voir sur ce point les travaux de Colette Guillaumin : L’idéologie raciste, genèse et langage actuel, Paris, Gallimard, 1972 ; « Sur la minorité », L’Homme et la société, vol. 77-78, 1985, p.101-109.

[13] Cette expérimentation a fait l’objet d’un film documentaire, « Discriminations : faire face », Ville de Villeurbanne, Mission Locale de Villeurbanne, 2008.

[14] Claudine Vacheret, Pratiquer les médiations en groupes thérapeutiques, Dunod, 2002.

[15] Les collectivités garantes de l’égalité de traitement dans la cité : développer le pouvoir d’agir des habitants, 19 octobre 2013, Amiens, CNFPT-IRDSU-Métropole d’Amiens.

[16] Comme nous en avons dressé le constat dans « De la reconnaissance d’un problème commun à la construction d’un projet partagé : les centres sociaux à l’épreuve des discriminations », juin 2012, 24 p.

[17] Ces expériences locales qui relèvent de logiques ascendantes, d’une construction locale du problème des discriminations par le bas, sont le fruit de jeux d’alliances subtils entre citoyens, professionnels et institutions comme au Blanc-Mesnil (Collectif d’information et de lutte discrimin’action Cilda), à Lormont (collectif « Vivre ensemble l’égalité ») ou encore à Perpignan (collectif citoyen des quartiers populaires de Perpignan).

[18] John W. Kingdom cité dans Laurie Boussaguet, Sophie Jacquot, Pauline Ravinet, Dictionnaire des politiques publiques, Presses de Science Po, 2004, p. 347.

[19] Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance, collection passages, Cerf, 2010, p.194.

[20] Nous citerons ici seulement les récents travaux de l’INED dans le cadre de l’enquête TEO (trajectoires et origines), Beauchemin Chris, Hamel Christèle, Simon Patrick (coord.), Enquête sur la diversité des populations en France : premiers résultats, octobre 2010.

[21] Comme nous relatons dans « Un consensus politique ambigu. La lutte contre les discriminations raciales » in Fassin Didier (Dir.), Les nouvelles frontières de la société française, La Découverte, 2010, p. 267-290.

[22] Yves Citton, Storytelling et imaginaire de gauche, éditions Amsterdam, 2010.

[23] Fabrice Dhume, « L’émergence d’une figure obsessionnelle : comment le « communautarisme » a envahi les discours médiatico-politiques français », Asylon, consultable sur : http://www.reseau-terra.eu/article945.html

[24] Axel Honneth, Op. Cit., p.195.

[25] Le titre significatif d’un ouvrage paru au début des années 80 aux Etats Unis «Toutes les femmes sont blanches, tous les Noirs sont hommes mais nous sommes quelques-unes à être courageuses » dévoilait la double exclusion des femmes noires d’un féminisme blanc et bourgeois et d’un nationalisme noir sexiste. Dorlin Elsa (coord.), Black feminism, Anthologie du féminisme africain-américain, 1975-2000, Paris, l’Harmattan, 2007.

[26] Je voudrais souligner que lors du séminaire lui-même, dans des discussions de couloir ou en atelier, deux participants ont très bien illustré cet enjeu d’effacement et dit fort à propos ceci : « En quelques phrases, en quelques mots, les habitants peuvent parfois nous faire autant comprendre qu’un discours sociologique de trente minutes… et ce n’est pas Olivier Noël qui me contredira car je sais qu’il est entièrement d’accord avec moi » ou encore suite à l’intervention du collectif « Vivre ensemble l’égalité » une autre participante « C’était vraiment très bien leur film, cela montre que ce n’est pas si compliqué que cela de parler de discrimination, c’est clair, c’est précis… Cela faisait longtemps que je ne t’avais pas vu mais tu n’as pas perdu ton temps ».

[27] Rémi Lefebvre, « Non dits et points aveugles de la démocratie participative » in Robbe François (Dir.), La démocratie participative, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 33-58.

[28] Comme le souligne très justement Robert Durand, Histoire des centres sociaux : du voisinage à la citoyenneté, La Découverte, 2005  : « Il y a des revendications de l’ordre de la citoyenneté de la part des exclus et des populations issues de l’immigration. Ils ne demandent pas seulement qu’on soit  »humain » à leur égard et respectueux de leur  »dignité humaine », ils entendent être reconnus partie prenante de l’aventure commune », p. 203.

Pour citer cet article : Olivier NOËL, « Développement du pouvoir d’agir et enjeux d’une lutte pour la reconnaissance du problème public des discriminations, 15 janvier 2013, https://corpus.fabriquesdesociologie.net/developpement-du-pouvoir-dagir-et-enjeux-dune-lutte-pour-la-reconnaissance-du-probleme-public-des-discriminations-par-le-bas/

Une réflexion sur « Développement du pouvoir d’agir et enjeux d’une lutte pour la reconnaissance du problème public des discriminations « par le bas » »

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